
LA CRISE DE SUEZ
La crise de Suez (ou opération Kadesh) démarre en 1956 lorsque Gamal Abdel-Nasser, devenu le président égyptien en 1954 décide de nationaliser contrainte et forcé le canal de suez. Ce que les britanniques et les français considèrent comme une atteinte intolérable à leurs droits. Nous étudierons donc comment cette crise s’est déclarée, s’est déroulée, de quelle manière elle s’est résolue et enfin quelles en ont été les conséquences.
Extrait du discours de Nasser (source : Cliotexte) :
"La pauvreté n'est pas une honte, mais c'est l'exploitation des peuples qui l'est.
Nous reprendrons tous nos droits, car ces fonds sont les nôtres, et ce canal est la propriété de l'Egypte. (...) Nous construirons le Haut-Barrage [d'Assouan] et nous obtiendrons tous les droits que nous avons perdus. Nous maintenons nos aspirations et nos désirs. Les 35 millions de livres [monnaie égyptienne] que la Compagnie encaisse, nous les prendrons, nous, pour l'intérêt de l'Egypte. (...)
En quatre ans, nous avons senti que nous sommes devenus plus forts et plus courageux, et comme nous avons pu détrôner le roi le 26 juillet [1952], le même jour nous nationalisons la Compagnie du canal de Suez. Nous réalisons ainsi une partie de nos aspirations et nous commençons la construction d'un pays sain et fort.
Aucune souveraineté n'existera en Egypte à part celle du peuple d'Egypte, un seul peuple qui avance dans la voie de la construction et de l'industrialisation, et un bloc contre tout agresseur et contre les complots des impérialistes. (...) Nous sommes aujourd'hui libres et indépendants.
Aujourd'hui, ce seront les Egyptiens comme vous qui dirigeront la Compagnie du canal, qui prendront consignation de ses différentes installations, et dirigeront la navigation dans le canal, c'est-à -dire dans la terre d'Egypte."
Face à ce qu'ils estiment être une atteinte à leurs droits, Britanniques et Français envisagent très vite de répondre par la force. Pour la France, en particulier, il s'agit avant tout de se débarrasser de Nasser qui soutient les indépendantistes algériens, le FLN (Front de Libération Nationale). Nasser que les services français ont déjà essayé de liquider physiquement (selon l'émission "Rendez-vous avec monsieur X" de France Inter, ci-dessous). Mais en vain.
Emission de France-Inter partie n°1
Emission de France-Inter partie n°2
Nasser est d’ailleurs qualifié par le premier ministre anglais, Anthony Eden, de « Mussolini du Nil ».
A la mi-octobre, un coup de main audacieux orchestré par le SDECE (Services secrets français – futur DGSE) aboutit à la découverte, dans les eaux internationales, d'un bateau bourré d'armes chargées à Alexandrie. Des armes destinées au FLN. Le lien entre Nasser et les rebelles algériens est ainsi clairement établie. Cela renforce encore la volonté d’en découdre avec le dictateur égyptien.
De plus, la politique nationaliste de Nasser lutte contre l’état hébreu, alliée traditionnelle de la France, pour soutenir les palestiniens et comme l’Egypte achète un grand nombre d’armes, principalement auprès de la Tchécoslovaquie communiste, l’idée d’une frappe préventive se précise du côté Israélien.

ayant pour but de permettre la croissance agricole et la modernisation de l’Egypte : la construction d’un gigantesque barrage à Assouan dans le Sud du pays qui doit canaliser les eaux du Nil pour permettre de contrôler ses crues et de développer l’agriculture intensive (notamment du coton) ainsi que de fournir le pays en électricité. Nasser cherche alors auprès des banques anglo-américaines mais cela est sans succès. Pourtant les américains avaient, dans le passé, soutenus ce jeune militaire prometteur mais celui-ci manifeste un peu trop d'indépendance par rapport aux Etats-Unis, notamment en nouant des accords commerciaux avec des pays du bloc communiste. Ils espèrent, en refusant ce prêt, éloigner l’Egypte de l’URSS mais c’est le contraire qui se passe. Les soviétiques acceptent secrètement d’apporter leur aide au projet, mais le problème du coût financier demeure car ils ne veulent pas non plus payer. Le rapprochement entre l’Egypte et l’URSS est aussi dû aux conclusions du pacte de Bagdad en février 55, qui visait à faire de l’Irak et non de l’Egypte, la grande puissance arabe du moyen orient. C’est la raison pour laquelle en juillet 1956, Nasser, furieux, décide de nationaliser la principale ressource de l’Egypte : le canal de Suez. L’armée égyptienne prend possession du canal et contrôle la circulation. De plus, les bateaux israéliens sont désormais interdits de passage.
En 1954, de jeunes officiers renversent la monarchie du roi Farouk Ier. Parmi eux, se trouve Gamal Abdel-Nasser, un jeune lieutenant-colonel qui s’était illustré lors de la guerre israélo-arabe de 1948. Il souhaite une union de tous les peuples arabes ainsi qu’une certaine méfiance envers un Occident que l’on accuse de soutenir Israël. Devenu président en 1945, Nasser, est une figure assez charismatique qui devient le porte étendard du nationalisme arabe.
En 1955, à la conférence de Bandung, il soutient l’idée de trouver une voie originale entre les Etats-Unis et l’URSS pour les pays émergent. Il veut donc que son pays soit libre politiquement, mais pour cela il faut aussi qu’il ait l’indépendance économique. Il envisage alors un projet « pharaonique »

À Sèvres, dans la banlieue parisienne, une réunion secrète qui réunit les anglais, les français et les israéliens permet d’établir un plan visant à récupérer le Canal et à chasser Nasser du pouvoir. Il est convenu deux jours plus tard que les Israéliens attaqueront les Égyptiens et qu'ensuite, Français et Britanniques adresseront un ultimatum aux adversaires et occuperont la zone du canal sous prétexte de les séparer. Le 29 octobre, les troupes du général Moshe Dayan (Israélien) se lancent dans le Sinaï. Elles mettent en déroute l'armée égyptienne. Elles sont appuyées en secret par quelques avions de l'armée française préalablement débarrassés de leurs insignes tricolores.
Comme prévu, le 30 octobre, Londres et Paris envoient un ultimatum au Caire et à Tel Aviv, ordonnant
aux combattants de cesser le feu et de
se retirer à 10 miles du canal. A défaut
d'une réponse dans les douze heures,
les forces franco-britanniques
interviendront d'autorité. Israël s'incline
mais l'Égypte, comme on peut s'y
attendre, rejette l'ultimatum. Le
lendemain 31 octobre, Français et
Anglais détruisent au sol les avions
égyptiens. Et, les 5 et 6 novembre, les
parachutistes sautent sur Port-Saïd, Ã
l'endroit où le canal débouche sur la mer
Méditerranée.

Sur le terrain, l’opération est une réussite totale mais sur le plan diplomatique, l’affaire tourne au désastre pour les franco-
britanniques. L’ONU, où les pays décolonisés ont de plus en plus de poids, appelle à la fin
des combats et crée même une armée multinationale spéciale : la Force d’Urgence des
Nations Unies pour séparer les combattants. Pour être reconnue plus facilement les
casques de ce bataillon seront peint en bleu, c’est la création réelle de l’armée de l’ONU
qui prendra logiquement le nom de « Casques bleus ».
L’URSS, quant à elle menace de recourir à l’arme nucléaire si les forces francobritanniques
ne se désengagent pas. Chose rare dans un contexte de guerre froide, les Etats-Unis joignent leur voix à celle des soviétiques car ils ne tiennent pas à apparaître comme soutenant ouvertement des puissances colonisatrices et ils sont hostiles à l’Etat hébreu. Pour appuyer leur décision, les Etats-Unis font chuter le cours de la Livre Sterling à la bourse de New-York.

Nasser sort diplomatiquement grandit de ce conflit. En effet, bien qu’il ait perdu cette guerre, il apparaît comme le grand leader arabe capable de tenir tête à l’occident. Il devient donc un modèle et peut, avec l’aide des soviétiques, construire son barrage.
Israël, ayant lors de cette crise affaibli le potentiel militaire égyptien, en a profité pour s’emparer de la bande de Gaza et du désert du Sinaï tout en développant un partenariat économique et militaire avec la France qui lui permettra de moderniser son armée et de créer à terme, avec l’aide de notre pays, sa propre bombe atomique.
L’équilibre au sein du bloc occidental est bouleversé. Les Etats-Unis ont fait comprendre aux européens qu’ils sont désormais les seuls vrais patrons du bloc occidental. Les anglais, qui du temps de Churchill pouvaient paraître les co-leaders de l’Ouest vont désormais se ranger aux ordres de Washington. De son côté, la France commence à vouloir développer sa propre défense autonome, politique amplifiée lors de l’arrivée de de Gaulle au pouvoir en 1958.
La fragilité du commerce mondial apparaît aussi à ce moment-là car 40 bateaux ayant été coulés dans le Canal, il faudra un an pour que les égyptiens puissent rouvrir celui-ci. Le commerce pétrolier s’en trouve désorganisé et les prix du carburant flambent.

Caricature soviétique montrant le lion britannique et le coq français ridiculisés par le sphynx égyptien.

Navires coulés par les égyptiens pour bloquer le passage du canal

Le manque de pétrole vue par un journal allemand

La France n'est plus ravitaillée en carburants et met en place un système de rationnement. On ne pouvait obtenir du carburant qu'en présentant des bons d'essence.